S’étendant à perte de vue dans des déserts arides ou baigné par la mer, s’écoulant d’un sablier ou creusé par les mains des enfants, le sable a bien des visages : plusieurs centaines de minéraux se regroupent sous son apparente unité. Matière fluide, difficile à classer parmi les liquides ou les solides, il renvoie à des imaginaires disparates selon qu’il enraye les machines, balaie les dunes ou accueille le baiser des vagues.
C’est sous le signe de cette pluralité et de cette diversité que se place l’exposition, qui réunit six artistes se saisissant de toutes les possibilités offertes par l’art contemporain et manipulent la vidéo, les arts du feu que sont le verre et la céramique, la sculpture en métal ou le recyclage, et même le jeu vidéo.
Leurs œuvres, réalisées spécifiquement pour cette exposition, et montrées ici pour la première fois, se lient les unes aux autres par un appel aux imaginaires de la lutte, du mélange et de l’évasion. La création de ces œuvres originales a été rendue possible grâce à une bourse de production de la Ville de Paris et du Crédit Municipal de Paris.
Dans cette exposition, deux séquences semblent développer des logiques antagoniques de résistance et de résilience : aux engagements patients, hardis ou furtifs déployés au rez-de-chaussée et dans la salle vidéo de l’étage, répondent dans la dernière salle, à l’étage, l’oubli, la désinvolture et le rêve.
Un marchand de sable est passé par ici, de funestes engrenages ont été stoppés là : en parcourant l’exposition, d’une forme à l’autre, d’un univers à l’autre, un chemin se dessine, ouvrant toutes les pistes d’un art engagé dans le présent.
L’œuvre Obstructions est née d’une recherche autour d’archives consistant à identifier différentes actions de grèves par l’obstruction depuis la fin du XIXe siècle. Prenant comme point de départ cette « grève du zèle », Paul Heintz fait intervenir un groupe d’ouvriers et de danseurs dans une usine à l’arrêt pour créer une chorégraphie.
La danse devient alors une réflexion militante autour de la notion des corps au travail. L’artiste questionne l’injonction à la performance et la course à la vitesse dans le monde du travail d’aujourd’hui. L’œuvre prend la forme d’une vidéo, mais aussi d’une installation qui plonge le spectateur dans cette usine qui fonctionne au ralenti.
Le projet d’Elsa Sahal consiste en une série de sculptures en terre et en verre réalisées en collaboration avec des maîtres-verriers. Elle souhaite en effet renouveler sa pratique en confrontant son matériau de prédilection, la terre, au verre-matière qui l’intéresse tout particulièrement pour sa transparence, sa liquidité, son côté visqueux.
Les sculptures présentées sont des vases en céramique anthropomorphes à l’intérieur desquels Elsa a arrangé des bouquets de fleurs-seins et de fleurs-sexes. Bonbon moustache se réfère à l’expression créole qui désigne le sexe féminin.
L’installation Un Círculo que se fue rodando/La chica con el chicle en el zapato intègre dans son dispositif un film présentant une quarantaine de personnages qui circulent dans les rues de Buenos Aires avec des t-shirts sur lesquels sont inscrits des slogans. Progressivement, les personnages s’interpellent et débattent sur différents sujets : crises économiques, problèmes psychiatriques, méthodes contraceptives…
En parallèle, le spectateur découvre que les slogans floqués sur les tee-shirts, qui peuvent avoir l’air naïf au premier abord, vont prendre une autre dimension en faisant écho aux préoccupations et aux déclarations des protagonistes du film.
Maison d’éternité est une installation qui explore le thème du rêve, des images et représentations ainsi que la notion de circulation des formes et objets à travers les époques et les cultures. Chloé Quenum reprend et décline l’ancêtre de l’oreiller, l’appui-tête.
Ce témoin silencieux de nos nuits passées, présent sur tous les continents depuis l’Antiquité, adopte différentes formes et matériaux. Sur ce sol onirique déployé par l’artiste, on y retrouve des objets en résine dans lesquels sont emprisonnés des bijoux en or ou en bronze. Lesdits objets côtoient des briques, dont certaines portent l’empreinte de végétaux, qui rappellent les scènes et hiéroglyphes ornant les Maisons de l’Éternité, nom donné aux tombes dans l’Égypte antique. L’artiste suggère que nos rêves sont de précieux trésors qui nous relient à notre histoire et à notre humanité. L’installation permet d’ancrer l’objet dans un rapport à l’héritage et à la transmission.
Prosper Legault travaille principalement avec les objets et les matériaux qui sont à sa disposition, comme autant de mots qui formeraient le vocabulaire d’une langue. Il erre dans la ville, comme on erre dans les textes, l’écriture ou dans les méandres de notre propre pensée. La déambulation urbaine compose sa matière première, il assemble les mots comme on assemble les objets. Par ces jeux d’allers-retours, les lettres deviennent des objets et les mots des sculptures.
Avec Souvenirs de Paris, Prosper Legault propose un assemblage monumental d’anciennes enseignes parisiennes et de néons. Tous les éléments qui composent cette sculpture ont passé des années dans les rues de la capitale à éclairer les habitant·e·s : les pharmacies ou encore les sandwicheries deviennent oniriques et extraordinaires si on les regarde autrement. L’ensemble crée un paysage et convoque l’esthétique des clichés touristiques de façon humoristique.
Le projet L’odyssée d’Hassan al-Wazzan de Mounir Ayache prolonge ses recherches développées à la Villa Médicis et combine un jeu vidéo et quatre dioramas. Le jeu, diffusé sur un mur d’écran, permet d’explorer des dioramas représentant des scènes imaginées par l’artiste.
Cette approche plonge les visiteurs dans le voyage initiatique de Hassan al-Wazzan (c. 1494- c. 1555), dit « Léon l’Africain », célèbre pour sa « Cosmographia de Affrica » de 1526, qui décrit l’Afrique subsaharienne et du Nord. Lors du sac de Rome au XVIe siècle, cet ambassadeur découvre une porte spatio-temporelle, le téléportant au XXVIe siècle.
Réappropriant le format diorama associé à l’époque coloniale, Mounir Ayache offre une perspective critique et imaginative sur les identités méditerranéennes. L’installation lie passé, présent et futur, explorant les échanges entre l’Europe et la région méditerranéenne ainsi que les enjeux géopolitiques et écologiques futurs.
Des œuvres d'art à emprunter ! Première artothèque éphémère du Fonds d’art contemporain
Depuis 2020, la Ville de Paris développe le programme Jeunes Collectionneurs. Des collégiens sont acteurs d’une commission dédiée du Fonds d’art contemporain-Paris Collections en présentant et défendant des œuvres d’art. Les œuvres ainsi acquises sont ensuite déposées pour une durée limitée dans les collèges partenaires et sont empruntées gratuitement par les familles d’élèves.
Pour la première fois, la Ville de Paris élargit cette expérience de prêt d’œuvres d’art gratuit à un plus large public dans le cadre d’une artothèque éphémère au Carré de Baudouin. Les 16 œuvres proposées ont été acquises en 2021 et 2022 avec la complicité des collèges Evariste Galois (13e), La Grange aux Belles (10e) et Robert Doisneau (20e).
Les artistes : Martine Aballéa, Pierre Ardouvin, Virginie Barré, Pauline Bastard, Cécile Beau, Neil Beloufa, Guillaume Bresson, Viriya Chotpanyavisut, Marc Desgrandchamps, David Douard, Claudia Larcher, Louise Hervé & Clovis Maillet, Maude Maris, Chloé Poizat, Jérôme Poret et Massinissa Selmani.
Une série d’événements est proposée en collaboration avec les artistes dans le cadre de l’exposition « Des grains de sable ». Ces rencontres seront l’occasion d’évoquer leurs démarches, leurs recherches et leurs processus de création.
Les jeudis de 18h30 à 20h30
Auditorium du Carré de Baudouin
Réservation conseillée